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lecture d'été sur le yoga : un vent d'air frais sur les récits ?

Dernière mise à jour : 14 août


en un peu plus de cinq ans, la narration au sujet du Yoga a évolué en France. Pas partout, certes… mais c’est déjà assez réjouissant pour que des perspectives autres se dessinent, je veux dire, autres que celle de tourner ad vitam æternam autour d’un chien-tête-en-bas la nuque comme ci, les pieds comme ça (# yogapourlesnuls – dont j’assume par ailleurs totalement la dimension triviale et… non compétitive bien sûr, hein).


 l’histoire du yoga a été récemment convoquée et interrogée de nouveau, à partir d'un travail de défricheurs, celui de la génération des boomers[1], une génération, qui, pour une grande part, il faut le dire, n'est pas revenue de son voyage initiatique dans les années 1970, encore bien souvent imprégnée qu'elle est d’autres récits. Car le soleil de l’orientalisme ne s'est jamais vraiment couché à l’Ouest… Ce que le New Age, puis une sorte de post new (…) ou je ne saurais trop comment dire, dans lesquels une grande partie du développement personnel baigne aujourd’hui, nous ont montré, à coups de stages de Tantra sauvage au fin fond de l’Ardèche avec option offrande du cacao pour millennials (car indien = aztèque après tout), mêlés au son non frappé du cœur battant d’un cakra qui n’en finirait pas de tourner sur Insta (tout est dans tout). Plus exotique tu meurs. Je meurs.



Savāsana tranquille
la posture du cadavre 😱

Savāsana. photo Alain Volut

Anita J. Anisten


et tu renais :


1968 retour des Beatles de Rishikesh. Obladi Oblada life goes on brahhh, parallèlement à notre yoga CC (ou presque) in France, tout un mouvement se développe dans les pays anglo-saxons puis bien au-delà, générant les mêmes monstres dans les années 80, le même yoga transnational que nous pratiquons (ou la plupart d’entre nous) aujourd’hui. Tandis que dans le champ dynamique des cultural studies, croisant les disciplines et cultivant un regard autocritique, une épistémologie du yoga (c’est- à-dire une étude de la manière dont la connaissance du yoga s’est diffusée, des savoirs qui la constituent…)[2] voit le jour. Dans la diffusion de ce savoir, Internet et les podcasts[3] vont jouer évidemment un rôle très important à partir des années 2000, jusqu’à aujourd’hui.

 

 🐝 lecture d'été sur le yoga


été 2024, je suis en train de terminer un délicieux (et plutôt bien documenté) roman-essai graphique du talentueux duo[4] que forment Jeanne Burgart Goutal (pour l’écriture) et Aurore Chapon (au graphisme), illustrant les pérégrinations cosmiques de la première (une prof. de philo écoféministe tombée dans le bain du yoga au moment de son boom en France il y a quelques années) : Yoga shalala (Tana éditions, paru récemment).

 

 5 ans plus tôt : un autre duo féminin créait en 2019 un merveilleux petit livre illustré que nous sommes nombreux-ses à avoir lu, parmi les pratiquant·es et enseignant·es de yoga (qui peut même se lire à des enfants), Le chien tête en bas. 45 histoires d’asanas (éditions La plage). Il proposait une relecture sensible de la mythologie hindoue à travers les aventures des héro·ïnes des grands textes sacrés que nous retrouvons en sous-texte des postures, et que nous serions censé·es incarner sur le tapis. Les illustrations sont de CÄät et le texte de Clémentine Erpicum.


Clémentine Erpicum et CÄät, Le Chien tête en bas. 45 histoires d'asanas, éditions La Plage, 2019   Jeanne Burgart Goutal et Aurore Chapon,  Yoga Shalala, Éditions Tana, 2024
Clémentine Erpicum et CÄät, Le Chien tête en bas. 45 histoires d'asanas, éditions La Plage, 2019 Jeanne Burgart Goutal et Aurore Chapon, Yoga Shalala, Éditions Tana, 2024

qu’ont en commun ces deux livres ? Ils ont été écrits par deux femmes (comme le sont la plupart des pratiquant·es du " yoga international " actuellement), qui transmettent, à travers un travail d’étude et de compréhension des textes, de la tradition, de l’histoire du yoga (…), leur expérience. Autrement dit, elles font toutes deux œuvre de leur Svādhyāya, ce travail fin de résonance, entre l’herméneutique (l’interprétation du texte) et leur expérience de vie, de yoga. Cette démarche, nous la retrouvons dans d’autres disciplines et religions, bien sûr, mais l’hybridité du yoga (en tant que pratique et corpus de savoirs, lignées d’enseignements…) me semble favoriser toute cette poésie, et promettre encore de belles rencontres, des confluences.


ce qui les sépare ? Là où l’innocence du symbole tissait avec nos imaginaires de jolies toiles de projection(s), toute cette forêt de signes et de formules est retournée par Jeanne Burgart Goutal hors du cadre comme un Naan sur sa poêle (elle dirait comme une pizza mais vous verrez) qui recracherait dans nos assiettes sa Vache qui rit. Elle les cuit et c’est une saveur nouvelle, presque acide, qui en est donnée, depuis cette autre ascèse (tapas) qu’est cet art de penser contre soi, mourir à ses préjugés : la philosophie (incarnée par la guéguerre qui semble opposer le mental représenté par un petit singe comme dans la tradition bouddhiste mais pas que - en un peu plus sage, à notre yoginī qui tente d’en réchapper). Et l’on comprend (ou l’on retrouve, en biblio) que des ouvrages empreints de cette discipline de l’esprit, et d’autres, s’inscrivant plus largement dans le champ des sciences humaines, ou, plus étroitement mais les utilisant de concert, dans le champ des yogic studies, lui sont passés entre les mains.

parmi lesquels, des parutions françaises récentes.

···> je citerais ici celui de la journaliste Marie Kock, Yoga, une histoire-monde (La Découverte, 2019), mais également celui d’une autre enseignante de yoga, passée par Sciences Po,

Zineb Fahsi (Le yoga, nouvel esprit du capitalisme, Textuel, 2023), dont le travail critique, avec sa co-autrice, Jeanne Pouget, sur le blog Citta vritti, mérite le détour, ne serait-ce que pour pratiquer le meilleur yoga du rire au monde qui vaille (en toute modestie) pour ce qu’il chatouille, griffouille, dégonfle notre « sens du moi » : l’autodérision… qui pourrait être aussi le premier des yama (éthique) d’un yoga contemporain, sur lequel un vent d’air frais semble souffler depuis quelques années, au pays des gourous


sur ce, je vous laisse, il me tarde de connaître la suite de l’histoire avec Bernie, un hippie un vrai dont notre héroïne s’est éprise lors d’un festival de yoga, l’aventure quoi...

 

 Lala how the life goes on

 

mardi 13 août 2024



+ de pop yoga : j'avais beaucoup aimé aussi Le secret de la force surhumaine,

de la grande Alison Bechdel, entre la bande dessinée et le roman graphique, traduit de l'anglais par Lili Sztajn en 2021 ···> une quête de soi qui bute à l'épreuve du corps (donc du temps),

en chemin vers l'acceptation de son humanité trop humaine... ... ... ...


Le secret de la force surhumaine est une bande dessinée / roman graphique signé Alison Bechdel, Le secret de la force surhumaine, traduit de l'anglais par Lili Sztajn en 2021, une quête de soi qui bute à l'épreuve du corps, en chemin vers l'acceptation de son humanité trop humaine...
Alison Bechdel, Le secret de la force surhumaine, Denoël Graphic, 2021 [The Secret to Surhuman Strenght]


[1] Big up en France aux éditions Almora (Guy Trédaniel groupe, depuis peu), au travail si précieux de l’École Française de Yoga où j'ai tant aimé étudier, et, tout particulièrement, à celui de sa directrice d’études, Ysé Tardan-Masquelier, à l’association Présence d’Esprit aussi, tant d’autres encore qui nous ont précédé·es, et d'autres avant eux…

[2] je mentionnerais ici (parmi d’autres là encore) : Elizabeth De Michelis, Mark Singleton, James Mallinson, Andrea R. Jain…

[3] Yogic Studies (Seth Powell), Yoga is Dead (Tejal Patel et Jesal Parikh) parmi d’autres, voir la page podcasts & blogs de ce site, pour le moment pas d'équivalent en français, je précise aussi que je ne suis pas alignée (loin de là) avec le second, mais qu'il a le mérite de nourrir réellement la réflexion autour du yoga international (sur le thème, à double tranchant, de l'appropriation culturelle)

[4] autrices de RéSisters (2021) que je n’ai pas encore lu, mais qui me donne bien envie… dans la foulée ! Sur l'engagement de Jeanne Burgart Goutal et l'écoféminisme, voir la série " Profession philosophes " sur France Culture, épisode 82/83, 18 septembre 2020 ; ou l'épisode 64 des Couilles sur la table (Victoire Tuaillon) enregistré le 15 juillet 2020 (Binge Audio)


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